Lors de la dernière rentrée, le ministre de l'Education nationale Xavier Darcos a jeté un pavé dans la marre en contestant l'intérêt d'accueillir les enfants à l'école maternelle avant l'âge de 3 ans. De fait, à l'heure où l'Etat cherche à tailler dans ses dépenses, l'accueil des 2-3 ans coûte cher. D'ores et déjà, leur taux de scolarisation a baissé de 27 % entre 2003 et 2007. Le ministre propose à la place la création de jardins d'éveil, intermédiaires entre la crèche et l'école maternelle. Si le projet éducatif n'est pas inintéressant en soi, il pose deux problèmes. Tout d'abord, il est essentiellement guidé par des considérations d'économies budgétaires défavorables aux familles. Sur les 4 660 euros que coûte un élève de maternelle, l'Etat en prend en charge 50 %, les collectivités locales 44 % et les familles 6 % (soit 280 euros). Dans le cas d'un accueil en jardin d'éveil (coût estimé à 5 500 euros), la part de l'Etat serait réduite à un tiers. Il est moins coûteux en effet de rémunérer un éducateur de jeunes enfants en jardin d'éveil qu'un professeur des écoles en maternelle. Surtout, les familles devraient participer en fonction de leurs revenus, ce qui leur reviendrait en moyenne à 2 080 euros par an. Une partie de cette somme étant prise en charge via un crédit d'impôt. Au-delà, l'entrée précoce à la maternelle améliore l'égalité des chances entre enfants.
Certains craignent que le jardin d'éveil ne soit une machine de guerre contre l'ensemble de la maternelle. Ainsi, Cécile Jonathan, adjointe au maire de Tours chargée de la petite enfance, observe: "Le gouvernement commence par les 2-3 ans pour préparer les mentalités. On est en train de supprimer les maternelles sans le dire." Xavier Darcos s'en défend.
Le développement du taux d'activité féminin est pourtant lié au mouvement d'émancipation des femmes depuis les années 1970. C'est aussi le plus sûr moyen de réduire la pauvreté des enfants, notamment dans les familles monoparentales. La bonne insertion des femmes sur le marché du travail suppose l'existence de modes de garde et d'accueil accessibles et financés par la collectivité. Au-delà, il faudrait assurer une répartition plus juste des tâches ménagères et des soins aux enfants au sein des couples. "Pour permettre une implication égale des pères et des mères dans l'emploi et dans la famille, il aurait fallu (...) redéfinir la norme de travail à temps plein de manière à en réduire la durée pour tous", affirment Dominique Méda et Hélène Périvier (6). L'obsession du "travailler plus", aujourd'hui dans l'air du temps, ne va pas dans ce sens. Dommage, car tous pourraient y gagner: les mères, les pères, les ministres et les enfants.
Claire Alet-Ringenbach
Alternatives Economiques - n°277 - Février 2009